A LA LIGNE

J’écris comme je travaille
A la chaîne
A la ligne

J’écris comme je travaille
A la chaîne
A la ligne

Joseph Ponthus

Résumé. Malgré ses diplômes, le héros, travailleur social, ne trouve pas d’emploi dans son secteur. Il va alors se tourner vers l’usine pour gagner temporairement sa vie, vendre sa force de travail. En tant qu’intérimaire, les missions, c’est à la semaine, au jour le jour ou de nuit qu’elles se présentent à lui. Il fréquente les abattoirs, nettoie des moules, égoutte du tofu.

Pas d’atermoiements, pas de pathos, à aucun moment, et pourtant le travail est pénible, dur, éprouvant. Dos, doigts, pieds sont broyés, coupés, usés par le rythme, incessant.

J’en chie de cette usine
De son rythme à la con
De ses trucs insensés à faire tous les soirs

Clin d’oeil aux Temps modernes de Chaplin

L’intelligence artificielle n’a pas encore intégré l’usine, ni les machines hyper sophistiquées pour faciliter la vie des humains, comme des exosquelettes, rien de tout cela, l’homme porte, pousse, tire comme une machine. Et l’auteur se demande: 

Quelle part de machine intégrons-nous inconsciemment dans l’usine

Les conditions de travail

Dans A la ligne, la critique des conditions de travail à l’usine n’est pas dissertée, expliquée, elle est vécue, énoncée, décrite avec brutalité, avec style. Les mots, les phrases se suivent les uns après les autres sans ponctuation, sans mots de liaison, pas le temps, la ligne avance, les lignes se suivent. Surtout ne pas perdre la cadence.

Et pour ne pas perdre la cadence, raconte une ouvrière à une autre : « Tu te rends compte aujourd’hui c’est tellement speed que j’ai même pas le temps de chanter ».

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Pour tenir dans l’enfer de l’usine, l’auteur fredonne des chansons de Charles Trenet et de tant d’autres chanteurs, se souvient de vers ou de personnages de roman.

C’est toi Charles comme un immense Charlot qui rends supportable l’enfer des temps modernes
Ce sont tes géniales ritournelles abracadabrantes
qui poussent mes carcasses qui aident à supporter
la douleur et attendre l’heure de la pause puis celle
de la débauche
C’est La Java du Diable quand rien ne va
C’est Le Piano d’la plage quand j’espère du beau
C’est Le Revenant que je suis tous les matins au turbin
C’est Mes jeunes années d’avant l’usine
C’est ma Folle Complainte que je ne cesse d’écrire

Et à quoi bon se plaindre. Pas le temps de disserter, de développer. 

Ne pas le dire 
L’écrire

Avis

Tout au long du roman le style et le rythme tiennent le lecteur de bout en bout. Joli exercice. Magnifique premier roman.

A la ligne, Feuillets d’usine est le premier roman de Joseph Ponthus publié à La Table ronde, Paris, en 2019, 263 p. ISBN 978-2-7103-8966-8

Prix. L’auteur a reçu le Prix Régine Deforges 2019 et le Prix du grand jury RTL & du magazine Lire 2019.

En savoir plus: La Grande Librairie

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